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Un agent de la RATP perd son emploi à cause d'un traitement au CBD

Comment un traitement au CBD sur ordonnance peut-il coûter son emploi ? L'histoire édifiante d'un agent RATP licencié après 27 ans de service.

Auteur de l'article
Publié le
29/10/2025 16:24
Mis à jour le
29/10/2025 16:24
Par
Amélie LEFORT
Agent RATP en uniforme contrôlant un bus dans un dépôt de maintenance

L'histoire de Jean-Jacques Modeste ressemble à un scénario absurde, et pourtant elle est bien réelle. Cet agent de maintenance de 47 ans a vu sa carrière à la RATP s'arrêter brutalement après un test de dépistage positif au cannabis. La raison ? Son traitement au CBD prescrit sur ordonnance pour gérer sa bipolarité.

Le 23 juin dernier, lors d'un contrôle routinier au dépôt de bus de Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne, Jean-Jacques Modeste subit comme ses collègues des tests d'alcoolémie et de stupéfiants. Premier problème : le test d'alcoolémie affiche un résultat inquiétant. L'explication tombe rapidement : il venait d'utiliser un bain de bouche pour soigner des aphtes causés par son appareil dentaire. Un appareil plus précis confirme qu'il n'a pas consommé d'alcool.

Mais c'est le test de dépistage de drogues qui va tout faire basculer. Résultat positif au cannabis. Pour Jean-Jacques Modeste, la situation paraît pourtant limpide : il utilise du cannabidiol à des fins thérapeutiques depuis plusieurs années, avec l'accord de son médecin généraliste et de son psychiatre.

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Un traitement validé par les professionnels de santé

Diagnostiqué bipolaire il y a plus de deux décennies, Jean-Jacques Modeste cherchait une alternative aux benzodiazépines, ces médicaments anxiolytiques connus pour leurs effets secondaires lourds et leur potentiel addictif. Son médecin lui a alors prescrit du CBD, une molécule extraite du chanvre qui ne provoque pas d'effets psychotropes contrairement au THC.

Les deux praticiens qui suivent le salarié ont confirmé que ce traitement était médicalement justifié et n'altérait en rien ses capacités cognitives ou comportementales. Autrement dit, aucun risque pour sa sécurité ou celle de ses collègues dans l'exercice de ses fonctions. Il faut préciser que Jean-Jacques Modeste ne conduit pas de bus : il assure les contrôles de sécurité des véhicules, un poste qui n'implique pas de prise de risque particulière liée à la conduite.

Malgré ces éléments médicaux solides, la direction de la RATP a décidé de le suspendre immédiatement, avant de prononcer son licenciement quelques mois plus tard.

La zone grise des tests de dépistage

Voilà qui nous ramène à un problème récurrent dans l'univers du cannabis légal en France. Les produits à base de cannabidiol peuvent contenir légalement jusqu'à 0,3 % de THC, le composant psychoactif du cannabis. Cette quantité est considérée comme négligeable et sans danger pour le consommateur, mais elle peut suffire à déclencher un résultat positif lors d'un test salivaire.

La Cour de cassation a d'ailleurs tranché en 2023 : cette tolérance légale n'exempte pas les travailleurs des sanctions en cas de dépistage positif. Même si vous consommez un produit parfaitement légal, la présence de traces de THC dans votre organisme peut vous coûter cher.

Ahmed Berrahal, représentant CGT au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la RATP, dénonce une rigidité qui ouvre la porte aux abus. Selon lui, la direction instrumentalise ces tests pour se débarrasser de personnel permanent expérimenté au profit de contrats précaires. Il évoque même des cas où des salariés auraient été contrôlés positifs après avoir simplement utilisé un bain de bouche.

Un contexte de privatisation qui interroge

Le timing du contrôle soulève également des questions. Au moment de sa suspension, Jean-Jacques Modeste était en pleine négociation concernant son statut, dans le cadre de la privatisation des lignes de bus de la RATP en Île-de-France. Le site de Saint-Maur devait passer sous le contrôle de Cap Île-de-France RATP, une filiale privée de l'entreprise.

Reconnu travailleur handicapé, Jean-Jacques Modeste bénéficiait d'un régime spécial de congés médicaux, bien plus avantageux que le régime général de la Sécurité sociale. Il craignait de perdre ces protections lors du transfert vers la filiale privée. Pour lui, le test tombait à pic pour la direction, qui y voyait peut-être une occasion de se séparer d'un salarié protégé coûteux pour l'entreprise.

« Ils ont profité d'un test aléatoire pour m'accuser », confiait-il avant son audience disciplinaire. Il se décrivait comme une « source d'irritation » pour sa hiérarchie, toléré pour son professionnalisme mais jamais vraiment accepté en raison de son état de santé.

Une audience qui scelle un destin

Le 22 septembre dernier, Jean-Jacques Modeste s'est présenté devant la commission disciplinaire dans le 12e arrondissement de Paris. Trois représentants du personnel ont plaidé pour son maintien dans l'entreprise. Mais la direction n'a pas changé de position.

Le verdict tombe comme un couperet : licenciement, après 27 ans de bons et loyaux services. « Pas de miracle, pas de revirement. Vingt-sept ans effacés en à peine une heure », racontait-il plus tard, visiblement ébranlé par la décision.

Pour Ahmed Berrahal, de la CGT, l'audience n'était qu'une formalité. « Tout était déjà décidé. D'un point de vue humain, il est triste de licencier une personne handicapée qui travaille dans l'entreprise depuis 27 ans et qui n'a rien fait de mal. » Il dénonce une véritable destruction sociale au sein de la RATP.

Un problème qui dépasse ce cas isolé

Cette affaire met en lumière un problème bien plus vaste qui touche l'ensemble des consommateurs de CBD en France. D'un côté, on trouve des produits légalement vendus, de plus en plus utilisés pour leurs vertus thérapeutiques. De nombreux patients y voient une alternative crédible aux traitements conventionnels, souvent plus lourds et contraignants.

De l'autre, les tests de dépistage actuels ne font aucune distinction entre l'usage légal de cannabidiol et la consommation illicite de cannabis récréatif. Cette incapacité technique crée une zone d'incertitude juridique où même les usagers les plus scrupuleux peuvent se retrouver sanctionnés.

La situation rappelle celle des dépistages routiers, où de nombreux conducteurs ayant consommé du CBD se sont retrouvés en garde à vue, alors même qu'ils n'avaient aucune altération de leurs facultés. Les tests actuels semblent parfois davantage sanctionner les usagers que garantir une réelle sécurité.

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Vers une évolution nécessaire

Le cas de Jean-Jacques Modeste pose une question fondamentale : jusqu'où peut-on accepter qu'un traitement médical légal, prescrit par des professionnels de santé, puisse conduire à la perte d'un emploi ? Comment peut-on tolérer qu'une molécule non psychoactive, reconnue pour ses bienfaits thérapeutiques, devienne un motif de licenciement ?

La réponse appartient peut-être aux législateurs, qui devront tôt ou tard clarifier le statut du CBD dans le monde professionnel. En attendant, des salariés continuent de payer le prix fort pour avoir simplement cherché à se soigner autrement.

L'histoire de cet agent RATP illustre parfaitement l'absurdité d'un système où la lettre de la loi l'emporte sur le bon sens et l'humanité. Vingt-sept ans de carrière, un dossier médical en règle, des attestations de médecins… Rien n'a suffi à éviter le couperet.

Profil de l'auteur de l'article
Amélie LEFORT

Rédactrice en chef

Rédactrice en chef chez Cannadeal, Amélie est une experte reconnue dans le domaine du cannabis. Diplômée en sciences botaniques, Amélie a été consultante pour de célèbres entreprises nord-américaines en optimisant leurs méthodes de culture. Chez Cannadeal, elle partage son expertise scientifique de manière accessible, expliquant les propriétés du CBD avec des sources rigoureusement documentées. Elle participe à des conférences internationales et publie régulièrement des articles dans des médias réputés. Son approche claire et pédagogique fait d'elle une référence pour ceux qui souhaitent mieux comprendre les effets thérapeutiques du CBD.

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