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Taxation du CBD comme le tabac : les boutiques face à la fermeture

Le projet de loi de finances 2026 bouleverse les règles du jeu pour le CBD. Entre taxation massive et restrictions de vente, c'est toute une industrie qui vacille.

Auteur de l'article
Publié le
29/10/2025 10:04
Mis à jour le
29/10/2025 10:26
Par
Amélie LEFORT
Assemblée Nationale - Budget 2026

L'atmosphère est lourde dans les boutiques de CBD. Depuis quelques semaines, une information circule et provoque une vague d'inquiétude dans tout le secteur. Le projet de loi de finances 2026 contient des dispositions qui pourraient changer radicalement les règles du jeu. Certains parlent même de condamnation à mort pour la filière française.

Jimmy, gérant d'une boutique spécialisée à Orléans, résume bien le sentiment général. Pourra-t-il encore exercer son métier l'année prochaine ? Pour l'instant, personne ne peut vraiment lui répondre. Les informations restent floues, les décrets d'application ne sont pas encore publiés. Mais une chose est certaine : le cannabidiol va basculer dans une nouvelle catégorie fiscale.

Une taxation qui change la donne

Le gouvernement veut appliquer au CBD fumable le même régime fiscal que celui du tabac. Concrètement, cela signifie l'introduction d'un droit d'accise de 25,7 %, auquel s'ajoute une assiette fixe de 18 euros par kilogramme. Pour Bercy, il s'agit simplement d'harmoniser la fiscalité entre tous les produits destinés à être fumés.

Cette logique peut sembler cohérente sur le papier. Pourtant, elle soulève une question fondamentale : peut-on vraiment comparer du chanvre légal, sans nicotine ni propriété addictive, à des cigarettes ? Les professionnels du secteur répondent massivement non.

Au-delà du montant de la taxe, c'est tout un système qui bascule. Les fleurs de CBD deviendraient des produits sous accise, soumis à des obligations administratives lourdes. Entreposage sous douane, banderoles fiscales, contrôles renforcés de la chaîne de distribution : autant de contraintes qui pèseraient sur une filière encore jeune.

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Notre équipe a tenté de comprendre l'impact réel de cette mesure sur les prix. Les calculs varient selon les acteurs, mais tous s'accordent sur un point : la compétitivité du CBD français va s'effondrer. Avec 85 % du marché déjà occupé par les importations en 2024, cette taxation risque d'achever ce qui reste de production locale.

Des restrictions qui vont bien au-delà de la fiscalité

La taxation n'est que la partie émergée de l'iceberg. Le PLF 2026 introduit également une restriction majeure sur les circuits de distribution. Désormais, seuls les bureaux de tabac et les établissements agréés pourraient vendre des fleurs de CBD destinées à être fumées.

Cette mesure exclut de fait tous les magasins spécialisés qui se sont développés ces dernières années. Ces boutiques, qui ont investi dans du matériel, formé leurs équipes et construit une clientèle fidèle, se retrouvent face à un mur. Elles pourraient encore proposer des huiles, des cosmétiques ou des infusions, mais plus de fleurs ni de résines à fumer.

La vente en ligne subirait un sort encore plus radical. Comme pour le tabac, la commercialisation à distance de produits soumis à accise serait tout simplement interdite. Les plateformes e-commerce, qui représentent une part importante du marché, devraient fermer leur section CBD fumable du jour au lendemain.

On comprend mieux l'ampleur du choc. Des centaines d'entrepreneurs qui ont misé sur le digital se retrouvent devant une impasse. Certains évoquent déjà des reconversions, d'autres espèrent encore un changement de cap du gouvernement.

Les producteurs en première ligne

Les agriculteurs qui ont choisi de cultiver du chanvre à actifs vivent une période particulièrement difficile. Beaucoup ont investi dans des variétés spécifiques, à faible teneur en THC, conformes à la réglementation européenne. Ils ont acheté du matériel, loué ou acquis des terres, construit des infrastructures de séchage.

La vente directe représente leur principal débouché. Marchés, foires, vente à la ferme : ces canaux leur permettent de valoriser leur production sans passer par des intermédiaires. Avec les nouvelles restrictions, ce modèle économique s'écroule. Comment vendre sa récolte si seuls les buralistes sont autorisés à la commercialiser ?

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L'Association française des producteurs de cannabinoïdes regroupe aujourd'hui plus de 1 000 exploitations. Un chiffre impressionnant quand on sait qu'ils n'étaient qu'une trentaine en 2019. Cette croissance rapide témoigne de l'attractivité de la filière pour le monde agricole. Des fermes ont trouvé là une source de revenus complémentaire, voire principale.

Cette dynamique pourrait brutalement s'arrêter. Les chanvriers français, déjà confrontés à une concurrence internationale agressive, perdront leur avantage de la proximité et de la vente directe. Pourquoi continuer à cultiver si la récolte ne trouve plus preneur ?

Un monopole qui pose question

L'attribution exclusive aux buralistes suscite de nombreux débats. Certains y voient une tentative de nationalisation du marché du CBD fumable. Les syndicats professionnels, comme l'Union des professionnels du CBD, dénoncent une captation d'un secteur entier par un réseau de distribution déjà établi.

Les buralistes, de leur côté, ne se sont pas encore vraiment exprimés sur le sujet. S'ils héritent effectivement de ce nouveau marché, devront-ils se former ? Adapter leurs gammes ? Créer des espaces dédiés ? Beaucoup de questions restent en suspens.

Cette concentration pose également un problème de diversité commerciale. Les boutiques spécialisées offrent aujourd'hui un conseil personnalisé, une expertise sur les variétés, une approche centrée sur le bien-être. Comment ce savoir-faire survivra-t-il s'il n'a plus de lieu où s'exercer ?

Des arguments juridiques à explorer

Plusieurs juristes se penchent déjà sur la conformité de cette réforme avec le droit européen. La Cour de justice de l'Union européenne a reconnu que le CBD n'est pas un stupéfiant. L'assimiler fiscalement et réglementairement au tabac pourrait donc être considéré comme disproportionné.

Le cannabidiol ne contient pas de nicotine. Il ne crée pas de dépendance physique. Son profil de risque pour la santé publique n'a rien à voir avec celui du tabac. Sur quelles bases scientifiques justifier un traitement identique ? Ces arguments pourraient nourrir des recours juridiques dans les mois à venir.

Mais le temps du droit n'est pas celui de l'économie. Même si des décisions de justice venaient ultérieurement invalider certaines dispositions, combien d'entreprises auront déjà mis la clé sous la porte ? Combien d'agriculteurs auront abandonné leurs cultures de chanvre ?

Une filière prête à négocier

Face à cette situation, les professionnels ne restent pas passifs. Ils multiplient les prises de parole, les rencontres avec les parlementaires, les tribunes dans la presse. Leur message est clair : ils veulent être entendus avant que le texte ne soit définitivement adopté.

L'AFPC a même proposé un compromis. Le secteur accepterait une TVA à 20 % au lieu des 5,5 % actuels pour la plupart des produits, à condition que les autres mesures soient abandonnées. Cette proposition montre une volonté de contribuer aux finances publiques tout en préservant la viabilité économique de la filière.

Reste à savoir si le gouvernement sera réceptif à ce type de négociation. Les débats à l'Assemblée nationale n'ont pas encore tranché définitivement. Des amendements pourraient modifier le texte initial. Mais chaque jour qui passe sans clarification plonge un peu plus le secteur dans l'incertitude.

Le risque du marché noir

Une conséquence souvent évoquée mais rarement approfondie mérite notre attention. Si les prix du CBD légal explosent et que les points de vente se raréfient, où iront les consommateurs ? L'histoire récente nous donne des indices.

Chaque fois qu'un produit légal devient trop cher ou trop difficile d'accès, des circuits parallèles se développent. Le marché noir n'attend que ce type d'opportunité pour prospérer. Sans contrôle qualité, sans traçabilité, sans respect des normes de culture et de transformation.

C'est exactement l'inverse de ce que la légalisation du CBD cherchait à accomplir. L'objectif était d'encadrer le marché, de garantir la sécurité des consommateurs, de créer une filière transparente. Cette réforme risque de produire l'effet contraire.

Que retenir de cette situation ?

Nous assistons peut-être à un tournant décisif pour le CBD en France. Le PLF 2026 n'est pas encore définitivement adopté, mais les dispositions qu'il contient ont déjà semé le trouble dans toute la filière. Entre taxation agressive et restrictions de distribution, le modèle économique actuel paraît condamné.

Les prochaines semaines seront cruciales. Les débats parlementaires, les éventuels amendements, les décisions finales détermineront l'avenir de milliers d'entreprises et d'exploitations agricoles. Une chose est certaine : le statu quo n'est plus possible. Le CBD français va changer de visage, reste à savoir lequel.

Profil de l'auteur de l'article
Amélie LEFORT

Rédactrice en chef

Rédactrice en chef chez Cannadeal, Amélie est une experte reconnue dans le domaine du cannabis. Diplômée en sciences botaniques, Amélie a été consultante pour de célèbres entreprises nord-américaines en optimisant leurs méthodes de culture. Chez Cannadeal, elle partage son expertise scientifique de manière accessible, expliquant les propriétés du CBD avec des sources rigoureusement documentées. Elle participe à des conférences internationales et publie régulièrement des articles dans des médias réputés. Son approche claire et pédagogique fait d'elle une référence pour ceux qui souhaitent mieux comprendre les effets thérapeutiques du CBD.

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